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Travailler ensemble : quels enseignements de la crise ?

Wébinaire SQVT ouverture

Qu’est-ce qui a aidé ou empêché les coopérations ces derniers mois ? Quelles leçons en tirer pour demain ? Replongez dans le webinaire « Travailler ensemble : quels enseignements de la crise ? »  qui ouvrait la 18e édition de la Semaine pour la qualité de vie au travail. Regards croisés d’une directrice de jardins d’insertion, d’un chercheur néerlandais, d’un ergonome et d’un psychologue.

Carine Barral, directrice de l’association Icare, Jardin de Cocagne du Sud Alsace : « En tant que structure de production maraîchère, pendant la crise, notre leitmotiv était de “tenir pour nourrir.” Cela a créé du sens pour les salariés et une implication très forte. Les salariés ont été force de proposition pour revoir les process de travail.  On a ainsi pu mesurer la force de travail collectif qu’on avait. Pour nous c’était un enjeu très fort de ne pas isoler les personnes. Cela peut nuire à leur équilibre, elles peuvent perdre le lien, perdre le sens ainsi que confiance en soi. »

Coopération, collaboration, entraide : quelles distinctions ?

Sandro de Gasparo, ergonome et intervenant-chercheur associé à Atemis (Analyse du travail et des mutations dans l’industrie et les services) : « Il faut différencier la coopération d’une autre figure à laquelle nous sommes plus habitués qui est la coordination. La coordination relève des modes de travail, du prescrit, du formel, alors que la coopération relève des formes de relation entre les personnes à l’occasion du travail réel et au service de l’expérience du travail réel. (...) La coopération, c’est la manière dont on prend en compte le travail réel de l’autre dans sa propre manière de travailler. (…) Elle démarre là où s’arrête l’entraide – quand tout va bien, c’est facile de s’entraider. C'est l’exigence de travailler ensemble, une exigence qui relève plutôt d’un modèle économique, entrepreneurial, sociétal du travail, qui permet de prendre en charge les contradictions. »

Marc-Eric Bobillier Chaumon, professeur du Cnam, titulaire de la Chaire de Psychologie du travail : « Dans la coopération, la production est une œuvre commune : elle émane des échanges, de partage de règles, de réflexions communes. Alors que la collaboration correspond à l’agrégation, à la superposition d’actions individuelles qui mènent à un produit final. »

Outils numériques et travail à distance

Il poursuit : « Pendant la crise, les entreprises ont transposé les environnements ordinaires de travail dans une situation extraordinaire. Ces environnements étaient inadaptés par rapport au contexte distanciel. On a essayé de maintenir le travail collectif, c’est-à-dire fournir les infrastructures techniques, technologiques, méthodologiques pour  permettre aux gens de se coordonner à distance, sans pour autant repenser le collectif de travail. (…)

Un défi a été de rendre visible le travail qui était devenu intangible, dématérialisé, pouvoir le faire connaitre et reconnaitre. Il a fallu discuter de ce travail, voir comment le réinventer et redéfinir des règles, des critères de métiers, de qualité dans des lieux où on n’était plus ensemble.

On a mis en place des outils numériques à la fois pour aider et soutenir cette activité à distance mais aussi pour contrôler et évaluer ce travail. Il s’agissait davantage d’une évaluation quantitative du travail que qualitative : on a davantage regardé le nombre d’heures de connexion du salarié que la qualité des contributions ou des échanges. La technologie n’a donc pas donné de sens ou de la valeur à cette activité du point de vue des travailleurs. Comment cette inutilité ou inefficacité des outils technologiques renvoie à la propre inefficacité, impuissance des salariés dans leur travail ? »

Steven Dhondt, chercheur au TNO (Pays-Bas) « Dans mon centre de recherche, on a étudié comment une quinzaine d’entreprises reconnues aux Pays-Bas pour leur investissement en matière de qualité de vie au travail ont passé la crise. On a pu observer que les salariés ont été particulièrement associés à la politique de ces entreprises : des systèmes ont été mis en place pour les informer des évolutions de la stratégie, leurs avis ont été pris en considération, l’attention à chacun a été personnalisée et ils ont disposé de marges de manœuvre sur la manière de mener les changements. Ce ne sont pas les systèmes de contrôle qui font avancer les choses. »

Ce webinaire était animé par Amandine Brugière, responsable des développements techniques et scientifiques de l’Anact, dans le cadre de la 18e Semaine pour la qualité de vie au travail, un événément du réseau Anact-Aract.

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