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Quels sont les effets du numérique sur la charge de travail ?

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Quels sont les effets du numérique sur la charge de travail ?
Le numérique bouleverse le cadre traditionnel de l'activité. Les changements qu'il introduit peuvent modifier la charge de travail des salariés et les façons de la mesurer et de la réguler.

Il n’est pas possible ici de détailler l’ensemble des effets potentiels du numérique et de ses usages sur la charge de travail. Ces effets relèvent autant de choix organisationnels que des nombreuses innovations portées par la diffusion du numérique et la généralisation des plates-formes à des sphères de plus en plus larges de la vie économique :

Une modification de l’unité de temps, de lieu et d’action

Ce nouvel environnement numérique s’impose et modifie potentiellement les équilibres existants :

  • Le lieu de travail tend à se transformer en faisant éclater le cadre traditionnel de l’activité dans et hors les murs de l’entreprise : télétravail, travail à distance, open space, tiers lieux, etc. Une « délocalisation » encouragée par les outils de communication et de transmission de l’information, la généralisation des smartphones et des ordinateurs personnels. Cette évolution génère un état de « connectivité permanente » qui contribue à brouiller les frontières entre le temps de travail et la vie hors travail (voir. G. Valenduc et P. Vendramin, (2016), « Le travail dans l’économie digitale : continuité et ruptures », Working Paper, Institut syndical européen, p. 21).
  • L'unité de temps, de lieu et d'action qui constituait l’entreprise traditionnelle tend à déborder dans des figures multiples. La notion de « nomadisme » est utilisée pour décrire cette transformation qui frappe un certain nombre de salariés mais qui voit aussi le développement du travail indépendant. Le travail se fait ainsi plus souvent en réseau dans des collectifs étendus. Pour certaines catégories de salariés, cette évolution peut être l’occasion d’affirmer son autonomie professionnelle. Pour d’autres, le risque d’isolement est présent. Dans tous les cas, une attention reste nécessaire pour assurer la maîtrise de la charge de travail. L’éclatement des barrières organisationnelles et spatiales font courir au travailleur du numérique le risque d’un excès d’engagement et donc d’une surcharge de travail préjudiciable à la santé.
  • Les outils numériques permettent également, via des capteurs de toutes sortes, une mise en chiffres potentielle des comportements organisationnels. Le suivi du travail semble ainsi correspondre étroitement à l’activité de ce que font les personnes : enregistrements du nombre de clics, suivi des déplacements en temps réel des salariés (les livreurs, les préparateurs dans les plateformes logistiques, par exemple), etc. Il est alors possible de comparer les différentes « performances » des salariés et d’en faire un étalonnage (benchmarking). La traçabilité plus grande de l’activité qui en résulte peut conduire à renforcer la surveillance des salariés. Ceux-ci peuvent également s’auto-évaluer et mesurer leurs performances (le quantified self).
  • Un autre aspect lié à l’impact du numérique concerne la contraction du temps : tout devient urgent et appelle à une réponse instantanée. Le flux d’information s’impose alors qu’il devient difficile d’établir un ordre de priorité dans les tâches à accomplir. La notion de surcharge informationnelle est fréquemment évoquée pour caractériser cette situation.

Ces exemples illustrent les effets potentiels du numérique sur la charge de travail. La porosité des temps, la déconnexion entre les lieux de conception et d’exécution du travail, risquent de rendre inopérantes les méthodes usuelles d’évaluation de la charge de travail (temps de travail, dépenses physiologiques, etc.). Mais en la matière, il n’y a pas de déterminisme et tout dépend de la façon dont ces innovations seront introduites, de l’évaluation préalable des risques et des opportunités, et de l’association concrète de l’ensemble des acteurs au processus de changement.

Face à ces évolutions, deux modalités du dialogue social peuvent être soutenues

La première concerne les interactions entre le management et les salariés. Il s’agit d’évaluer au plus près des situations de travail comment les nouveaux environnements numériques influencent la charge de travail, en développant une méthodologie générale. L’enjeu est d’assurer une meilleure maîtrise au quotidien de cet environnement tout en actualisant son potentiel de performance pour l’entreprise.

La seconde concerne la négociation collective et la possibilité de conclure des accords d’entreprise. C’est le cas avec le télétravail ou encore le droit/ devoir à la déconnexion. Le numérique fait partie de la vie des entreprises et il importe d’en négocier les modalités d’implantation et de diffusion pour assurer une meilleure régulation de la charge de travail.

La préconisation n°19 du rapport « Transformation numérique et vie au travail » propose de « compléter le droit à la déconnexion par un devoir de déconnexion » pour éviter la surcharge de travail et le risque d’empiétement de la vie privée par un usage inapproprié des outils numériques. Cette « possibilité » de déconnexion, face à la capacité d’être connecté en tout temps et en tout lieu, obéit à des principes individuels et collectifs.

Pour éviter les excès, un effort de sensibilisation et de formation doit être entrepris. Il est aussi possible de recourir à des chartes qui précisent les conditions d’usages des nouveaux outils. Enfin, un accord collectif peut être négocié pour préciser les droits et devoirs de l’entreprise en la matière. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnel introduit pour les salariés assujettis au forfait-jours un droit à la déconnexion et l’obligation pour l’employeur de s’assurer régulièrement que la charge de travail des salariés est « raisonnable ».

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