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Restaurer la qualité du dialogue social grâce au dispositif Areso

Réalisations et projets - Publié le 16 février 2022 - Modifié le 11 juillet 2024

« On arrive mieux à se parler et s’écouter »… Ce mot d’un délégué syndical indique une prise de conscience de l’impact positif de la manière de s’adresser à l’autre sur la qualité relationnelle. En effet, dans le cas précis de cet organisme de mission publique, le cadre imposé par la tutelle, parce qu’il a été explicité, partagé et discuté, a été mieux intégré pour la dynamique de l’ensemble du processus. C’est dire que, lorsqu’ils ne sont pas co-construits, les outils du dialogue social restent inefficaces parce que non appropriés par l’ensemble des acteurs.

Qui?

Cet organisme, qui emploie 650 personnes au service d’une mission publique, dépend d’une caisse nationale. Cela n’est pas sans effet sur le dialogue social local dans la mesure où bon nombre de sujets sont l’objet de négociations tenues au niveau central avec une volonté d’harmonisation par la tutelle. Sont impliqués dans ces négociations locales la direction générale, le service des ressources humaines et trois organisations syndicales (OS). L’organisme compte deux sites principaux à l’échelle départementale, regroupés sous une même entité et gouvernance, sans que leur fusion relativement récente n’ait permis d'aboutir à une culture organisationnelle complètement intégrée.

Quel était le problème à régler ?

Au terme d’une négociation annuelle obligatoire (NAO) difficile, la direction des ressources humaines (DRH) propose aux négociateurs syndicaux de se former conjointement aux relations sociales avec pour objectif d’améliorer la qualité du dialogue. L’idée fait écho mais elle n’est pas immédiatement suivie d’une proposition concrète. De plus, lorsque l’Aract est sollicitée, le cahier des charges de la formation paritaire est déjà rédigé, et les (organisations syndicales (OS) concernées n’ont pas été associées à ce travail d’élaboration. Pour ces raisons, ces dernières ne considèrent plus prioritaire cette formation. Après un premier rendez-vous exploratoire avec la DRH, l’Aract repère comme condition de succès la nécessité d’associer les délégués syndicaux. Si le thème reste le même, la forme de l’appui des intervenants évolue.

Qu’ont-ils fait ?

Comme chaque fois qu’une direction sollicite la première un tiers intervenant, il existe un risque que les représentants du personnel soient sur la réserve face à la démarche proposée. L’inverse se vérifie également. Aussi, la première vigilance du binôme d’intervenants ARESO est de veiller à construire la démarche avec le concours de toutes les parties. L’enjeu est que la démarche proposée ne soit pas considérée comme celle de la direction, mettant à mal la neutralité des intervenants aux yeux de l’autre partie. Pour ce faire, les intervenants proposent de rencontrer rapidement les interlocuteurs syndicaux de manière à répondre en toute transparence à leurs questions sur la méthodologie du dispositif ARESO et la posture de ses intervenants. Les réticences sont ainsi levées, et le cahier des charges évolue vers une modalité séminaire, lequel permet des apports formatifs ponctuels, mais surtout une emphase sur la confrontation de représentations et points de vue des participants.

En réunion plénière préparatoire, ces derniers définissent d’un commun accord l’objectif suivant : « Permettre aux acteurs de la négociation un espace d’échange, sécurisé par la présence de tiers-facilitateurs équidistants, préalablement à l’amorce des NAO et de la négociation sur le passage au CSE (agenda social 2019), et ce afin d’aborder la forme (cadre de la négociation) avant le fond (sujets) ».

L’idée est de permettre aux acteurs de la négociation de partager ensemble sur la manière dont ils négocient et sur le cadre à (re)créer pour favoriser les meilleures conditions de négociation possibles (relationnelles, méthodologiques, etc.). Il n’est pas prévu d’élargir les échanges au thème de la qualité des relations sociales, ce qui nécessiterait une démarche ARESO classique de trois jours (cette option ayant été écartée par la partie syndicale qui estime que certains représentants du personnel ne sont pas prêts à un tel investissement).

Le binôme d’intervenants, composé d’un chargé de mission de l’Aract et d’un enseignant-chercheur universitaire spécialiste du sujet, s’appuie néanmoins sur la méthodologie ARESO :

-          Échanges itératifs entre sous-groupes (direction/délégués syndicaux) et plénière conjointe

-          Recensement des besoins de chaque partie

-          Questionnement des besoins de l’autre, explicitation de ses propres besoins

-          Apports formatifs ponctuels

 

Les échanges en sous-groupes permettent de confronter des points de vue pas toujours en phase, même entre pairs, afin de construire un point de vue partagé face à l’autre partie. Cela participe à des échanges sans langue de bois. La mise en commun en plénière des besoins recensés donne une nouvelle perspective aux parties qui font alors l’expérience d’être plus en accord qu’en désaccord. Un premier apprentissage : exprimer différemment des besoins ne signifie pas que ceux-ci soient incompatibles ; c’est le distinguo entre une différence et une divergence de point de vue. La direction identifie sept besoins en matière de négociation, les OS en listent douze. Un croisement des besoins fait prendre conscience aux parties de leur recherche commune d’un socle de valeurs : confiance, respect, cadre… À titre d’illustration, il y a « match parfait » entre le besoin de la direction de « se concentrer sur des sujets négociables en local » et celui des OS « que ce qui est négocié au local ne soit pas retoqué au national ». Ce constat entraîne un échange instructif sur ce qui est négociable ou pas au niveau local. La direction explique sa contrainte face à une tutelle désireuse d’harmoniser les pratiques, et la nécessité de « choisir ses combats ». Pour leur part, les OS donnent à voir la nécessité pour eux de construire leur légitimité face aux salariés en restant créatifs à la table de négociation, en s’autorisant un espace « pas trop étriqué », afin d’élaborer des solutions adaptées aux difficultés du terrain.

Pour quels effets ?

Ce n’est là qu’un exemple parmi les sujets traités au cours de la journée et demi de séminaire ayant réuni direction et OS. Ce temps a permis d’aborder dans sa globalité l’efficience des processus de négociation à l’œuvre au sein de cet organisme : choix de l’agenda social (priorisation des thèmes), calendrier (se donner le temps, s’autoriser à suspendre une discussion le temps de mieux renseigner le point en débat), échange d’informations (qui est responsable de quoi, confidentialité, charge générée par la préparation et la lecture de documents de travail, délai de prévenance…), méthode de négociation (définir le problème à résoudre avant d’envisager des solutions, modalité itérative de rédaction de l’accord…).

Qu’en pensent les parties, au terme des échéances de négociation qu’elles avaient à conduire sur le passage au CSE et la NAO ? Un délégué syndical considère qu’il y a une amélioration sur la forme : « On arrive mieux à se parler et s’écouter ». Une prise de conscience de l’impact positif sur la qualité relationnelle de la manière de s’adresser à l’autre. En outre, les séminaires animés par l’Aract ont été un point de référence (un appui) pendant les négociations qui ont suivi. Un repère pour se (re)dire collectivement qu’il y a des conséquences à bousculer le calendrier établi, que l’échange d’information s’anticipe si l’on veut rester vigilent à la charge de travail de chacun, que le temps peut être un facilitateur ou un tendeur, selon qu’on se donne ce temps ou pas, quand les échanges sont sensibles entre les parties.

Pour la directrice RH, les séminaires ont permis de comprendre le mode d’interactions avec les interlocuteurs syndicaux. S’écouter et, surtout, s’entendre. Les vieux réflexes sont toujours là, certes, mais ce temps de travail a permis de lancer les négociations sur une base différente : d’abord recueillir les attentes respectives, proposer une trame d’accord qui structure le débat tout en restant adaptable, partager l’état des lieux sur le sujet négocié… Ainsi, le cadre imposé par la tutelle est explicité, donc mieux intégré parce discuté et parce que des compromis sont néanmoins recherchés dans ce cadre. C’est le cas par exemple des représentants de proximité prévus par accord, une forme de contrepartie au nombre limité d’élus au CSE.

Les acquis restent fragiles. La moindre maladresse peut faire reculer le dialogue social. Cela freine la spontanéité, la fluidité dans les échanges. Comment continuer à détendre les relations ? Matériellement d’une part, avec une logistique irréprochable (respect du calendrier, qualité technique de la visio, etc.) des espaces de dialogue, dans la transparence (transmission de documents) d’autre part. Le passif est tenace et l’amélioration du dialogue social s’envisage sur le long terme comme une quête de confiance réciproque permanente.