La semaine en 4 jours
Réalisations et projets - Publié le 13 mai 2025 - Modifié le 15 mai 2025
Au tout début… Rally’nov
Depuis 2012, l’Agence Régionale pour l’Amélioration des Conditions de Travail de Bourgogne-Franche-Comté (Aract BFC) porte et anime le projet partenarial de l’État et la Région, Rally’nov.
Les objectifs sont d’identifier et de valoriser les pratiques socialement innovantes des structures de Bourgogne-Franche-Comté, de développer le travail en réseau autour de l’Innovation Sociale (IS) et depuis 2018, d’outiller les entreprises sur des thématiques d’actualité. En 2023 et 2024, le thème retenu est celui de « la semaine en 4 jours ».
La semaine en 4 jours, kesako ?
La « semaine en 4 jours » est un mode d’organisation du temps de travail. C’est une tendance qui se déploie depuis quelques années et qui tend à s’intensifier.
Les travaux portent sur des entreprises qui conservent un temps plein de travail hebdomadaire sur 4 jours.
2023 : un travail d’exploration sur le sujet
Des rendez-vous ont été réalisés avec des entreprises de Bourgogne-Franche-Comté ayant expérimentées ce mode d’organisation des temps de travail. Des dirigeants, des représentants du personnel et des salariés concernés ou non, ont apporté leur point de vue au cours d’entretiens. Au total, 11 entreprises de tout le territoire, de toutes tailles et de tous secteurs d’activité ont été interviewées.
Pour l’une des entreprises du panel, elle a choisi ce mode d’organisation dès sa création tandis que pour les autres, le passage à la semaine en 4 jours a constitué un changement. Dans ce cas, l’antériorité varie de 6 mois à 3 ans.
A l’issue de ces entretiens, un Carnet de l’IS a été rédigé.
En complément, retrouvez les témoignages des entreprises sur le sujet réalisés lors des Rencontres Régionales de l'Innovation Sociale 2023 et 2024.
Les « Carnets de l’IS », qu’est-ce que c’est ?
Afin de partager les retours d’expériences auprès d’un plus grand nombre, ils sont diffusés largement à travers « les Carnets de l’IS ». Une alternance de constats, d’analyses et d’exemples, mais aussi de freins, des difficultés alimentent ce document.
Ils sont issus d’une analyse empirique basée sur l’expérience des entreprises à partir du point de vue des dirigeants, de l’encadrement, des salariés et des représentants du personnel.
2024, des ateliers proposés aux entreprises
L’Aract BFC a proposé des ateliers à des représentants d’entreprises qui envisageaient de mettre en place ce mode d’organisation du temps de travail.
Premier atelier, focus sur l’aspect juridique
Benoit Géniaut, Professeur de droit privé à l’université Marie et Louis Pasteur et membre du laboratoire Centre de Recherche Juridique de Franche-Comté a apporté son éclairage juridique.
Retrouvez son intervention ci-dessous :
Les informations données lors de cette visioconférence ne sont pas empiriques. Peu de jurisprudence existe à ce jour. Il est préférable de recourir à un juriste conseil pour des informations approfondies.
Les participants ont soulevé ensuite différents points :
Question : Faut-il l’accord du salarié ?
Un simple rappel des horaires de travail ne vaut pas contractualisation. Il faut une clause explicite. Il y aura peut-être des contentieux qui vont générer de la jurisprudence avec l’engouement du sujet dans le cas où l’employeur veut repasser à la semaine de 5 jours après une longue pratique.
Il est préférable d’être prudent par exemple, en faisant un avenant au contrat de travail.
Question : Est-ce que l’accord du salarié doit être forcément écrit ?
L’accord du salarié doit être explicite donc il est préférable d’avoir un écrit. Mais si on souhaite repasser à 5 jours, il faudra redemander un accord écrit.
Question : Est-ce que tous les salariés doivent passer à 4 jours ou est-ce que cela peut être limité à un métier, à un service… ?
Pas de principe d’égalité – tout le monde n’a pas à passer à 4 jours. Il est possible de ne cibler qu’un secteur, qu’une population.
Question : Que se passe-t-il quand un jour férié qui devrait être chômé est non travaillé ? Faut-il une forme de récupération ?
La coïncidence entre les jours de repos et les jours fériés chômés n’ouvre droit ni à repos supplémentaire ni à indemnité compensatrice (jurisprudence). Sauf dispositions plus favorables dans l’entreprise.
Question : Comment gérer les congés ?
Le code du travail prévoit un calcul en jours ouvrables. On décompte un jour peu importe l’horaire. Il s’agit du même raisonnement que pour le décompte des congés sur une semaine de 5 jours.
Question : Une entreprise qui serait à 37h hebdomadaires avec jours de RTT souhaite passer à 35h. Comment doit-elle procéder sachant qu’elle a un accord 35 heures et plus de délégués syndicaux pour signer un accord ?
En cas d’accord collectif, une révision de celui-ci ou faire un nouvel accord sera nécessaire. S’il n’y a plus de DS, il y a la possibilité de négocier avec des salariés élus (CSE) ou mandatés et pour les moins de 11, par référendum. Si l’accord ne prévoit pas de répartition sur la semaine et qu’il n’y a pas de changement sur la durée hebdomadaire (rester à 37h), il n’est pas nécessaire de revoir l’accord.
Question : Quid des stagiaires ?
Ce ne sont pas des salariés. Faire son stage sur 4 jours hebdomadaires est possible (voir convention).
Retrouvez ci-dessous deux modèles d’accord d’entreprise sur la mise en place de la semaine de 4 jours à télécharger.
Autres modèles sur https://www.legifrance.gouv.fr/
Deuxième atelier, la conduite du changement organisationnel
L’Aract BFC a apporté des points de repères sur la conduite du changement que cela implique.
Le passage à la semaine en 4 jours ne requestionne pas seulement l’organisation du temps de travail mais impacte tout le fonctionnement de la structure.
Pour y passer, il est nécessaire de se poser trois questions pour donner du sens au changement :
- Pourquoi on change ?
- Où va-t-on ?
- Cela change quoi ?
Ces questions sont à poser à différents niveaux : direction, encadrants, CSE, salariés selon différentes modalités : (questionnaire, espaces de discussion sur le travail, réunion d’information…).
Même s’ils sont à l’initiative de la demande, faire participer les salariés pour aborder les impacts sur le travail et ses conditions permettra d’agir sur la performance de la structure. Chaque changement nécessite un processus d’apprentissage : adoption de nouvelles compétences, ajustements des comportements et redéfinition de l’équilibre collectif. Une phase d’expérimentation permettra d’ajuster ci-nécessaire avant de mettre en place ce mode d’organisation du temps de travail.
Un élément crucial à prendre en compte : l’impact sur la qualité de vie et des conditions de travail- identifier ce que cela améliore, ce que cela détériore et mettre en place, le cas échéant, des actions (pour prévenir cette détérioration).
Le changement se fait selon 4 étapes :
Les participants ont aussi réfléchi à des actions que pourraient mettre en place des entreprises qui passeraient à la semaine en 4 jours.
Liste non exhaustive.
En termes de diagnostic et de co construction :
- Consulter les salariés sur leur souhait, mettre en place un questionnaire pour prendre l’avis de tous
- Redéfinir ce que sera une continuité de service
- Faire une analyse du « pic » de clientèle, revoir les plages d’ouverture au public
- « Poser sur la table » les problématiques, les sujets et mettre en place des actions préventives (échanges managers, direction, collaborateurs, CSE)
- Faire participer les salariés à la réflexion sur l’organisation
- Essayer de trouver un système qui soit juste pour tout le monde
En termes d’expérimentation et de pilotage :
- Faire une phase de test pour valider l’organisation à mettre en place
- Se donner collectivement le droit à l’erreur
- Se donner la possibilité de revenir en arrière. En cas d’accord d’entreprise, donner la possibilité aux salariés ou à l’entreprise de revenir travailler sur 5 jours, en cas de force majeure, d’accroissements d’activité
- Définir des critères de réussite ou d’échec lors de la phase test et les conditions de sortie de cette organisation du temps de travail (décision de l’employeur ? référendum ? interrogation des salariés ?)
- Anticiper, en cas de poursuite de l’activité sur 5 jours, un éventuel report de tâches sur les personnes travaillant le 5ème jour, leur permettre d’alerter s’il y a surcharge
En termes de communication et de transparence :
- Communiquer sur la phase d’expérimentation (durée, prolongation possible, …)
- Communiquer avec transparence sur l’organisation, les valeurs de la structure, la QVCT (un moyen d’améliorer la marque employeur)
- Formaliser un temps de passage des consignes et d’informations
- Tracer les informations, les consignes avec des outils pour plus de traçabilité
En termes de suivi et de feedback :
- Faire des points réguliers avec les salariés pour identifier ce qu’il faut améliorer, être à l’écoute de chacun et chacune
- Faire des points réguliers individuels et collectifs sur la charge de travail, la fatigue, l’ambiance…
- Pour les managers, être rester au contact de l’équipe et favoriser les échanges formels et informels
Dernier atelier, faire réseau
Lors de l’atelier 3, les entreprises qui envisageaient la mise en place de la semaine en 4 jours ont pu rencontrer des entreprises qui l’ont mis en place. Cet atelier a été riche en partage d’expériences. Il a permis également de constituer un réseau d’entreprises sur le territoire de Bourgogne-Franche-Comté.