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Espaces de discussion sur le travail : convaincre salariés, encadrants et représentants
Mettre en place des espaces d’échanges pour parler du travail et imaginer des améliorations, peut se heurter à des préjugés et des réticences à anticiper.
Actualité - Publié le 10 juin 2025 - Modifié le 12 juin 2025

Les études au niveau européen et français convergent pour montrer que plus les entreprises sont participatives et meilleures sont leurs conditions de travail. Mais pour progresser en ce sens, il faut pouvoir se parler du travail « réel » aux différents niveaux de l’entreprise – via le dialogue professionnel et le dialogue social. La proposition d’organiser des espaces d’échanges dédiés n’est pour autant pas toujours bien reçue.
« Ça ne sert à rien ! »
Quand le personnel se voit proposer de participer à un groupe de travail ou à un espace d’échanges, la réaction n’est pas toujours enthousiaste. Il peut y avoir « du passif ». Des salariés se souviennent, par exemple, avoir participé à des réunions qui n’avaient d’autre but que d’améliorer la productivité, sans possibilité d’exprimer des difficultés. D’autres ont contribué à des groupes de travail avec l’impression que les décisions finales étaient déjà prises. D’autres enfin se réfèrent à des échanges, parfois chronophages, qui n’ont pas produit de décisions ou n’ont pas eu de suites – à leur connaissance tout du moins.
- Avant de mettre en place des espaces de discussion sur le travail, il est utile de prendre en compte les expériences passées, le ressenti et d’identifier les points d’amélioration. Une réflexion et un partage d’information sur les objectifs de tels espaces, les façons de déterminer les sujets, leur fonctionnement et les suites à donner est nécessaire.
« Des réunions, on en a déjà ! » « Parler, c'est pas facile ! »
Les directions d’entreprise estiment souvent qu’il n’est pas nécessaire de mettre en place des espaces formels pour parler du travail puisqu’existent déjà des réunions d’équipe ou des échanges autour de la machine à café. Elles peuvent également avoir l’impression que « leur porte est ouverte » ou encore que le temps manque au regard d’autres priorités.
S’ils expriment fréquemment que leur voix n’est pas entendue, les travailleurs peuvent, de leur côté, avoir des réticences à parler de leur activité. S’exprimer sur son travail n’est jamais facile : une grande partie des savoirs est intégrée à la pratique de chacun et difficile à partager. Il n’est, par ailleurs, jamais évident d’exprimer des difficultés, ni de faire entendre son point de vue devant des pairs, et dans des espaces marqués par le lien de subordination.
- Il est important que la mise en place d’espaces de discussion soit précédée d’un bilan partagé des réunions existantes : peut-on déjà parler du travail concret (du vécu, des difficultés, des aléas, etc.) dans l’entreprise ? Où ? Avec quels résultats ? Est-ce suffisant ?
- Il ne suffit pas de mettre en place de nouveaux espaces ou de nouvelles modalités d’échanges pour que la parole des salariés s’exprime et pour que l’écoute s’active. Des conditions doivent être réunies.
« Les manageurs sont réticents. »
La résistance des manageurs est souvent avancée pour expliquer la difficulté d’initier ou de faire vivre un espace de dialogue sur le travail. Ils sont suspectés de ne pas investir de tels temps d’échanges par peur de perdre du pouvoir.
En réalité, les encadrants sont souvent eux-aussi demandeurs d’outils, d’espaces et de méthodes pour mieux prendre en compte les retours de terrain, de façon complémentaire à leur rôle. Ils s’inquiètent en revanche de tels espaces lorsqu’ils sont construits sans qu’ils soient « dans la boucle », ce qui les coupe d’une source d’information extrêmement importante. Ils craignent également d’être placés en position d’animateur ou de récepteur des résultats de ces échanges sans disposer des moyens adaptés.
- Les manageurs doivent être associés à la conception d’espaces de discussion sur le travail pour penser leur rôle comme l’un des destinataires des matériaux produits et/ou comme animateur de ces espaces. L’Anact mène plusieurs démarches pour former les encadrants à l’usage des outils de dialogue professionnel pour favoriser le management du travail.
« Les espaces de discussion risquent de contourner les instances de dialogue social. »
Faire coexister, au sein d’une même structure, les instances représentatives du personnel et des modalités de sollicitation plus directes des salariés peut sembler perturbant, les deux espaces donnant l’impression d’avoir des rôles proches. Des élus craignent, par ailleurs, que le dialogue professionnel soit utilisé comme un moyen de contourner le dialogue social.
Si ces craintes peuvent être justifiées, il est utile de prendre conscience que dialogues social et professionnel sont complémentaires.
- En facilitant les remontées sur des situations concrètes de travail, le dialogue professionnel peut, par exemple, nourrir des instances de dialogue social trop éloignées du terrain.
- En parallèle, les partenaires sociaux internes peuvent sécuriser les modalités de sollicitation des salariés. Quand elle est pensée et organisée, l’articulation entre ces deux formes de dialogue est ainsi non seulement possible mais également souhaitable.