Anact : 50 ans d'engagement pour les conditions de travail
2024 c'est l’occasion pour l’Anact de faire un retour sur 50 ans d’amélioration des conditions de travail avec ceux qui y ont contribué : partenaires sociaux, personnalités, représentants d'entreprises… Et de se pencher sur les nouveaux enjeux en matière de conditions de travail.
Page - Publié le 02 août 2024 - Modifié le 17 novembre 2024
50 ans d'engagement
Créée par la loi du 27 décembre 1973, l’Anact est née des volontés convergentes des partenaires sociaux et de l’État « d’humaniser le travail » dans un contexte de mutations économiques et sociales (revendications sociales, débat sur la taylorisation du travail, mise en place de nouveaux modèles productifs...).
Si à sa création, l'agence s'est concentrée sur des missions de veille, d'étude et de diffusion d'information, ses modalités d'action se sont par la suite élargies avec le développement de l'intervention en entreprise, la production d'outils et de méthodes qui en sont issus ainsi que le déploiement de projets au niveau local par les Aract (d’abord associations puis désormais agences régionales pour l'amélioration des conditions de travail).
Les champs thématiques de l'Anact - d'abord centrés sur la prévention des risques, la prise en compte des conditions physiques, le contenu, la durée et l’organisation du travail - ont au fil du temps intégré des sujets comme l'accompagnement des transformations, l'appui au dialogue social et aux relations professionnelles ou encore la question de l'égalité professionnelle et de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).
1973-2023 : cinq grandes périodes
1976 : le travail posté dans l’industrie
Le travail posté fait l’objet d’une attention soutenue de l'Anact au milieu des années 70. Cette attention reflète tout à la fois l’importance du travail industriel, la nécessité d’améliorer la situation des travailleurs et les enjeux autour des questions d’aménagement du temps de travail. Dans les travaux de l'Anact, l’impact sur les conditions de travail des travailleurs en service continu est documenté et analysé autant du point de vue physiologique (manque de sommeil, bouleversement des rythmes circadiens, etc.) que de l'activité (isolement des travailleurs postés dans l’entreprise, difficultés à suivre une formation, par exemple), ou sur les plans familiaux et sociaux en montrant la perturbation des cycles de vie. L'Anact émet plusieurs propositions : limiter le recours au travail posté, favoriser la négociation entre les acteurs, aménager la situation des travailleurs postés autant par des mesures techniques (automatisation) que par des mesures d’organisation du temps de travail (cycles, rotation, horaires, etc.) ou des mesures RH (reclassement et évolution des carrières).
1979 : questions financières et économiques, coût des mauvaises conditions de travail
L'Anact engage des travaux sur la performance globale du système de production. Il s'agit d'évaluer le coût de mauvaises conditions de travail et d'établir des indicateurs pour en rendre compte : indicateurs économiques (taux d'utilisation des équipements, productivité, qualité des produits, etc.) et indicateurs sociaux (absentéisme, turnover, accidents de travail, etc). La méthode proposée pour mise en oeuvre dans l'entreprise se veut participative et vise à éclairer les décisions des acteurs sociaux, en particulier les décideurs. Il s'agit, dans un contexte de ralentissement économique, de les inciter à articuler les transformations de l’entreprise avec une politique d’amélioration des conditions de travail, celle-ci étant étudiée comme une voie pour améliorer le bilan financier des entreprises et la qualité de vie au travail sans sacrifier à la compétitivité. L'Anact publie dans ce cadre un guide et des outils mis à la disposition du chef d'entreprise. Des études ultérieures montreront que les coûts indirects associés à certains problèmes de santé - la gestion des remplacements de salariés en cas d'arrêts de travail, les pertes de qualité et d'efficacité - peuvent représenter jusqu'à trois fois le coût direct dépensés par les entreprises.
1979 : déploiement rapide de l’informatique de gestion dans les emplois administratifs
Tandis que des conflits sociaux éclatent dans les banques et les assurances, le travail sur des « terminaux à écran » se développe rapidement avec des impacts sur le travail des opérateurs et opératrices. La crainte d’une taylorisation des activités de traitement de l’information reste forte à l’époque. Les travaux de l'Anact montrent cependant que l’impact de l’informatique, nuancé et divers, dépend des choix d’organisation retenus. Des entreprises peuvent choisir de séquencer et de diviser fortement le travail. D'autres peuvent chercher à l'enrichir et à développer les compétences des salariés avec des contenus du travail plus polyvalents et des tâches diversifiées. L'Anact proposent des méthodes pour aider les acteurs à anticiper le changement et à intégrer le point de vue des utilisateurs. Cette attention portée aux conditions d’implantation des changements technologiques marquera fortement l’activité de l’Anact dans les années à venir.
1983 : le droit d’expression des salariés
L’Anact s’implique dans le développement du droit à l’expression des salariés à partir des lois Auroux. À cette occasion, l’agence forme de nombreux représentants du personnel à l’analyse du travail et publie en 1983 un guide pour la mise en place et le suivi de l’expression des salariés.
Elle met également à la disposition des acteurs syndicaux et patronaux, ainsi que des formateurs agréés, un guide développé avec l’INRS pour la conception des formations associées à l’action sur les conditions de travail. En lien avec ce sujet, l'Anact accompagne la mise en place des CHSCT dans de nombreuses branches professionnelles. L’objectif est de doter les représentants du personnel de la capacité à analyser les conditions de travail par eux-mêmes. Des fiches pratiques d’analyse des conditions de travail sont éditées et proposées pour soutenir cette action à sur différents thèmes : les conditions de travail et la sécurité en atelier, la charge physique et mentale, les ambiances physiques, le travail posté et de nuit, les mesures et les normes, etc.
1988 : conditions de travail à l’hôpital
Dans un contexte de conditions de travail difficiles dans le secteur hospitalier (absentéisme, travail de nuit, charge de travail, etc.), la fin des années 80 est marquée par des mouvements sociaux, avec les coordinations infirmières notamment. Suite à un protocole d’accord signé en 1988 entre les organisations syndicales et le Ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection Sociale, une mission est confiée à l’Anact pour développer et expérimenter des méthodes d’amélioration des conditions de travail. Plus tard, après d’autres conflits, l’accord national du 15 décembre 1991 dit de Durieux proposera aux hôpitaux des contrats d’amélioration des conditions de travail. Le temps de travail de nuit, pour les soignants, est réduit à 35 heures. Forte de ses nombreuses interventions, l’Anact met à disposition des acteurs concernés (représentants de la direction et du personnel) des méthodologies et des points d’appui pour entamer une démarche d’amélioration des conditions de travail. Elle soutient également des dispositifs de formation-action engagés avec des consultants pour démultiplier son action.
1991 : les causes organisationnelle des troubles musculosquelettiques
Premières maladies professionnelles en nombre dès les années 90, les TMS dépendent de nombreux facteurs lié à l’intensité et à la répétitivité des gestes liés à l’activité productive. L’explication par les seuls facteurs biomécaniques apparaît cependant insuffisante comme le montrent des interventions de terrain menées par l'Anact. Différents modèles d’organisation du travail exercent un rôle important dans cette évolution, tel le flux-tendu et le juste-à-temps en développement à l’époque. Cette hypothèse doit être vérifiée et l’Anact lance en 1991 une enquête nationale « Affections périarticulaires des membres supérieurs et organisation du travail » en partenariat avec l’Inserm, l’INRS, la Dares, l’Inspection médicale du travail et la Caisse de la mutualité agricole. L’importance des modes d’organisation du travail dans le développement des TMS est confirmée ouvrant ainsi de nouveaux champs à la prévention de cette pathologie.
À partir de 1990 : le « diag' court » pour mettre en mouvement l’entreprise
Entre 1990, date de sa mise en place et le début des années 2000, plus de 500 diagnostics courts - financés par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle - seront réalisés chaque année par l’Anact et les Aract. Il s’agit de positionner le travail et ses modalités d’organisation au centre des interrogations du chef d’entreprise à l’occasion d’un changement technologique, commercial ou de prévention des risques professionnels. Il en est attendu une amélioration de la communication entre les acteurs – direction, salariés et représentants du personnel –, une amélioration du dialogue social et de meilleures prises en compte des remontées de terrain. Ces actions permettent de disséminer largement les approches de l’Anact auprès des entreprises de moins de 50 salariés.
1998 : une aide méthodologique pour mettre en œuvre les 35 heures
L'Anact est chargé de piloter un nouveau dispositif visant à faciliter la mise en œuvre de la réduction du temps de travail dans les entreprises françaises de moins de 500 salariés. Il sera principalement utilisé dans les entreprises de moins de 50 salariés. Entre 1998 et 2001, plus de 30 000 conventions d’appuis-conseils seront signées offrant aux entreprises des ressources pour concilier réduction du temps de travail, partage du travail et ajustements organisationnels. En complément du pilotage, l'Anact assure un appui technique et des formations aux consultants intervenant dans les entreprises.
À partir de 2000 : allongement des carrières professionnelles et prévention de l’usure au travail
Les politiques publiques visent à favoriser le maintien au travail des seniors et allonger les carrières professionnelles. Deux axes seront privilégiés dans les travaux de l’Anact dans ce cadre :
- La réduction à la source des pénibilités au travail : port de charges lourdes, bruit, mouvements répétitifs mais aussi charge mentale, absence d'autonomie, interruptions, intensité du travail, etc.
- Le renforcement des parcours professionnels par la montée en compétence et les mobilités. L’enjeu consiste à limiter les expositions aux contraintes de travail dans la durée en diversifiant les parcours et en développant l’employabilité des salariés.
Des outils d’analyse sont également conçus pour aider les entreprises à anticiper les transitions démographiques. La question des rapports entre les générations au travail est également prise en compte. L’Anact réalise une grande enquête auprès de 10 000 dirigeants de PME pour connaître leurs besoins et pratiques à l’égard de la gestion des âges.
2009 : nouvelles perspectives pour la prévention des risques psychosociaux
Souffrances, plaintes, désengagement, burn out, voire suicides... L'Anact contribue à faire évoluer les représentations qui entourent la compréhension des causes et des effets des risques psychosociaux - encore souvent vus comme résultant essentiellement de facteurs individuels. L'Agence montre que le travail est une source de tensions entre des exigences parfois contradictoires (entre la qualité et la quantité de travail à réaliser, entre l'écoute des personnes et l'industrialisation de celui-ci, par exemple). Pour identifier ces situations et surtout apporter des réponses concrètes aux acteurs de l’entreprise, l’Anact développe le modèle de compréhension et d'action « C2R » (Contraintes, Ressources, Régulations). Il sera diffusé largement en entreprise.
2013 : la mise en œuvre de l’ANI Qualité de vie au travail (QVT)
L'Accord national interprofessionnel de 2013 vise à sensibiliser les entreprises et les partenaires sociaux à la Qualité de vie au travail et à en faire un sujet de dialogue social. L'accord regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l'amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d'autant plus quand leurs organisations se transforment.
Pour soutenir sa mise œuvre, l’Anact et son réseau propose une démarche basée sur l’expérimentation des projets de l’entreprise activant deux registres : la participation des salariés et le dialogue social. Elle peut s'accompagner de la mise en place d'accords uniques.
Ces démarches expérimentés largement par le réseau Anact- Aract sur le terrain répondent à une approche systémique de l'amélioration continue des conditions de travail et incitent les entreprises à adopter une approche stratégique (en complément des approches traditionnels de la santé au travail et des ressources humaines).
2017 : renouvellement des instances du dialogue social
Les ordonnances Macron marquent la fin des CHSCT. L’Anact et son réseau s'investissent pour accompagner la mise en place des CSE et soutenir leur fonctionnement avec une nouvelle offre de services qui s’appuie sur l’amélioration de la qualité du dialogue social en entreprise. Trois leviers sont proposés : la qualité des relations sociales, l'information et la formation, la capacité à négocier.
2018 : focus sur l’égalité professionnelle
Les ordonnances Macron marquent également l’obligation pour les entreprises de négocier sur les sujets « Égalité Professionnelle - Rémunération - Qualité de vie au travail ». Cela implique l’intégration du sujet Égalité Professionnelle dans les négociations du Comité social et économique (CSE) et la BDES (base de données économiques et sociales). L'Anact propose des pistes d'action et des outils méthodologiques sur ces sujets en prenant en compte les enjeux en matière de salaires, de parcours professionnels, de mixité dans les métiers et de conditions de travail. Pour aider les entreprises concernées par la mise en place de l'Indes Egalité, l’Anact et son réseau mettent à leur disposition un outil pour réaliser un diagnostic des écarts de situations entre les femmes et les hommes au travail : l'outil gratuit Diag ÉgaPro-Index
2020 : QVT devient QVCT
Face à un constat mitigé concernant la qualité des accords QVT d’entreprises, ainsi que des démarches reposant souvent sur des actions à la périphérie du travail, les partenaires sociaux signent un nouvel accord sur la santé au travail en 2020 afin de replacer les conditions de travail au centre de l’action des employeurs. Les partenaires sociaux invitent les entreprises à se référer aux enseignements des travaux et accompagnements de l’Anact pour intégrer les questions du travail au cœur de leur démarche. Pour ce faire l’Anact édite un référentiel qui, plutôt qu’une démarche « ficelée », ou des normes ou de liste d’actions à mettre en oeuvre, fixe un cadre général, des principes et des repères pour guider et soutenir les entreprises.